Une fillette de 8 ans obtient le divorce au Yémen

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Trop petite pour porter plainte, mais pas pour se marier… Du haut de ses 8 ans, Noyoud a osé se rebeller contre les traditions de son pays : deux mois après avoir été mariée de force à un homme de vingt-deux ans son aîné, la fillette vient d’obtenir le divorce. Une première au Yémen, où plus de la moitié des jeunes filles sont mariées avant leur majorité. «Je suis soulagée, a soupiré la petite, drapée de noir, en sortant du tribunal. Je vais pouvoir retourner à l’école», en deuxième année de primaire.

C’est la première mineure à avoir osé déposer plainte contre son père, Muhammed Nasser, son mari, Faez Ali Thamer, et demander le divorce. « Mon père m’a battue et m’a dit que si je n’épousais pas cet homme, je serais violée et personne dans ce pays ne m’aiderait, a raconté l’enfant au Yemen Times. J’ai supplié mon père, ma mère, ma tante : rien n’y a fait.»

La loi yéménite interdit le mariage avant 15 ans. Mais elle prévoit qu’un contrat de mariage puisse être établi avec des enfants mineurs, les relations sexuelles entre époux restant interdites jusqu’à ce que la jeune fille soit «prête» . «On m’a demandé de signer le contrat. Je devais rester chez mes parents jusqu’à 18 ans, poursuit-elle. Mais, une semaine après, ils m’ont obligée à aller vivre chez mon mari.»

Aux mains de son époux de 30 ans, Noyoud vit un véritable calvaire. «Chaque fois que je voulais jouer dans la cour, il me frappait et m’entraînait dans la chambre à coucher, explique-t-elle. Je n’avais aucune idée de ce qu’était le mariage. Je pleurais tout le temps. Il me faisait des choses désagréables. Je courais de pièce en pièce, mais il arrivait à me rattraper. Ensuite, il faisait ce qu’il voulait.» Un jour, elle parvient à s’enfuir et se réfugie au tribunal.

Ému par son histoire, le juge cache Noyoud pendant quatre jours et fait arrêter son père et son mari. Mais Faez Ali Thamer refuse catégoriquement de rendre sa liberté à la fillette. «C’est mon droit de la garder ! martèle-t-il lors de l’audience. Ce n’est pas une question d’amour : je ne l’aime pas. C’est une question d’honneur : comment a-t-elle osé se plaindre de moi ?» Une donation anonyme de 100 000 riyals (317 €) en provenance des Émirats l’a finalement fait changer d’avis.

L’honneur de la famille

«Tout cela est un signal très positif, mais j’ai bien peur que les malheurs de Noyoud ne soient pas terminés, affirme au Figaro Myria Böhmecke, de Terres des femmes, une association d’aide aux femmes victimes de mariages forcés. En obtenant le divorce, elle a entaché l’honneur de sa famille : il n’est pas impossible qu’on essaie de la marier à nouveau, ou même qu’on la tue… Maintenant, elle devra se cacher, car tous les membres de sa famille seront incités à se venger.»

D’après Chadha Nasser, l’avocate qui s’est portée volontaire pour défendre Noyoud, il n’y aura pas de sanction contre le mari. Quant au père, il a déjà été relâché, pour raisons de santé. «Selon la coutume yéménite, ils n’ont rien fait de mal, explique-t-elle. Même s’il y a une loi, personne ne la respecte. Il y a des milliers de cas similaires, mais il n’y a jamais de sanction…»

Selon une étude datant de 2006, 52,1 % des filles yéménites sont mariées avant leur majorité, contre 6,7 % des garçons. Si la moyenne d’âge des mariés est en augmentation (14,7 ans pour les filles ; 21,5 pour les garçons), les filles continuent d’êtres mariées dès 8 ans dans certaines régions.

Malgré les pressions de nombreuses ONG défendant les droits des enfants, le Parlement yémé­nite a refusé cette semaine de reculer l’âge minimal du mariage, jugeant que ce n’était «pas une priorité». Quant à Noyoud, rapporte le Yemen Times, elle est maintenant «a priori en sécurité» chez un de ses oncles, avec sa petite sœur de 6 ans.

Source : lefigaro.fr

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