Le décès tragique de Nogaye Thiam, laissée deux jours sans assistance présumée par sa belle-famille, ravive le débat sur les violences domestiques au Sénégal. L’Association des Juristes Sénégalaises (AJS), par la voix de sa présidente Aminata Fall Niang, exige des éclaircissements, interpelle sur les dérives familiales, et appelle à un sursaut national pour renforcer la protection des femmes et appliquer réellement les lois existantes.
Une affaire qui indigne l’opinion publique
Invitée de l’émission En Vérité sur Radio Sénégal, Aminata Fall Niang, présidente de l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS), est revenue longuement sur l’affaire Nogaye Thiam, une jeune femme retrouvée morte dans sa chambre dans des conditions qui suscitent toujours colère et sidération.
Selon plusieurs récits relayés sur les réseaux sociaux, la belle-famille aurait laissé le corps sans assistance pendant deux jours, ignorant les cris de son fils et l’absence anormale de la victime. Des faits jugés « abominables » par la présidente de l’AJS, qui n’exclut pas des poursuites pour non-assistance à personne en danger, si ces éléments étaient confirmés.
L’AJS mène sa propre enquête
Face au flou et aux contradictions dans les informations circulant, l’AJS affirme mener ses propres investigations.
« Nous n’avons, pour l’instant, que les informations relayées par la presse et les réseaux sociaux. Il nous faut des éclaircissements avant d’adopter une position officielle », explique Aminata Fall Niang.
L’association dit vouloir une compréhension complète des faits avant de se prononcer de façon définitive.
Les violences familiales : un phénomène sous-estimé
Au-delà de ce drame, la présidente de l’AJS a alerté sur une réalité trop souvent passée sous silence : les violences au sein des ménages, notamment celles perpétrées par certaines belles-familles à l’encontre des belles-filles.
« Nous, les femmes, devons revoir notre comportement envers nos belles-filles pour éviter les violences entre femmes », a-t-elle lancé, brisant un tabou social rarement abordé publiquement.
Elle rappelle que les violences ne sont pas uniquement physiques : elles peuvent être psychologiques, économiques, sexuelles, et touchent majoritairement les femmes.
Une société en mutation profonde
Pour Aminata Fall Niang, ce drame doit aussi servir d’alerte sur les profonds changements sociaux en cours au Sénégal.
« La société est en pleine mutation. Les sociologues doivent analyser ces transformations pour identifier les causes profondes des violences », insiste-t-elle.
Selon elle, les tensions familiales, les rapports de domination, la perte d’équilibre dans les structures sociales traditionnelles et l’exacerbation des conflits intra-familiaux sont autant de facteurs qui méritent d’être examinés de près.
Des milliers de victimes chaque année
À travers ses 10 boutiques de droit réparties dans le pays, l’AJS accompagne chaque année des milliers de femmes victimes d’abus.
En 2024, l’association a reçu plus de 6 000 personnes pour des consultations juridiques et un accompagnement. Parmi elles, plus de 350 cas étaient liés à des violences physiques ou sexuelles infligées à des femmes.
Un chiffre alarmant qui, selon Aminata Fall Niang, démontre la persistance d’un fléau endémique.
Le problème n’est pas la loi… mais son application
Le Sénégal dispose d’un arsenal juridique important, incluant la ratification de toutes les grandes conventions internationales de protection des femmes. Toutefois, la présidente de l’AJS estime que le véritable défi réside ailleurs.
« Nous avons ratifié toutes les conventions protégeant les droits des femmes. Le problème n’est pas le droit, mais son application », déplore-t-elle.
Le manque de diligence judiciaire, les pressions sociales, la peur de dénoncer et la faible assistance juridique sont autant de freins à une réelle protection des victimes.
Aminata Fall Niang appelle à un sursaut national
Face à l’horreur de l’affaire Nogaye Thiam et à la montée inquiétante des violences domestiques, l’AJS réclame :
- un renforcement des mécanismes de protection,
- une meilleure prise en charge des victimes,
- une réponse judiciaire plus rapide et plus ferme,
- un changement profond des mentalités au sein des familles.
Elle insiste sur la nécessité d’un engagement collectif, impliquant institutions, communautés et familles, pour briser définitivement le cycle de la violence envers les femmes.
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Source : Radio Télévision du Sénégal(RTS)